Publié le 24/03/2020
Texte par Carolie Paré, Ophélie Lahccen
(RFI - Actualités, Info, news en direct - Radio France Internationale, Science)
Le docteur Gérard Macqueron est médecin psychiatre à l’hôpital Sainte-Anne, à Paris. Il était l'invité de l'émission « Priorité santé », sur RFI, alors que de plus en plus de pays à travers le monde prennent des mesures de confinement de leur population.
La situation actuelle est traumatisante, car elle est inédite, inattendue et d’évolution incertaine. Tout cela soulève des angoisses, puisque ce virus SARS-CoV-2 est méconnu : on ne sait pas exactement quelles sont ses propriétés, son pouvoir de nuisance.
La réponse par le confinement, choisie par de nombreux États, provoque un télescopage entre des problématiques sanitaires, économiques, affectives et soulève des angoisses de mort. L’obligation de rester chez soi est vécue comme une atteinte à la liberté individuelle. En plus, il y a une notion de danger à l’extérieur, donc cela crée un climat ambiant d’insécurité sanitaire. Certaines personnes vivent le chômage technique, ce qui apporte une précarité professionnelle. Il y a des inquiétudes pour la santé des proches, que l’on ne peut pas toujours joindre. Certaines personnes, qui vivent seules, qui n’ont que le travail comme lien social, se retrouvent complètement isolées.
Vivre le confinement comme un acte positif
Psychiatre à l’hôpital Sainte-Anne, à Paris, le docteur Gérard Macqueron explique au micro de Priorité Santé que le confinement « renvoie à notre solitude, à nos limites (...) Il nous met dans une position d’attente passive, comme si l’on attendait que quelque chose de dramatique arrive, avec un sentiment d’impuissance ».
Le médecin nous invite toutefois à prendre ce devoir de confinement comme un acte positif : « Ce qu'il faut comprendre, c'est que le fait d’être confiné est une action positive, efficace contre l’expansion de l’épidémie. C’est donc une manière d’agir, de participer à l’éradication du virus. C’est une réponse à la crise sanitaire. Il ne faut pas le vivre comme si nous étions passifs, mais comme un acte positif. »
Cette situation, qui fait rupture avec la vie quotidienne – puisqu’il y a une limitation de liberté – va, selon le docteur Macqueron, « nous obliger à revenir à l’essentiel » : « Elle nous oblige à vivre au jour le jour (...). Ça nous remet dans l’instant présent. C’est l’occasion de donner de l’amour à nos proches, comme à nous-mêmes, de changer nos habitudes inutiles – comme arrêter de fumer, de boire, se coucher trop tard. »
Pour le psychiatre, ce confinement peut être « l'occasion d'avoir une réflexion sur soi, pour se réorganiser ».
Ce qu'il faut faire pour bien vivre son confinement
• Rester en lien avec son entourage familial, social, professionnel par l’intermédiaire des réseaux sociaux
On organise des rencontres au cours de sa journée. Il est important de garder un lien social, sinon les seules informations que nous aurons du monde extérieur seront les informations transmises via les médias, qui sont uniquement consacrées à la maladie ; c’est très angoissant. Il est donc indispensable de créer des liens sociaux où l’on puisse entretenir des échanges d’une autre nature.
• Concilier vie professionnelle et vie familiale
Le fait que le travail et la vie de famille aient lieu au même endroit peut créer des tensions. Il faut donc s’organiser avec ses collègues, car cette situation va durer plusieurs semaines.
• Ne pas perdre la « pause-café »
On peut par exemple faire des réunions par WhatsApp, pour discuter avec ses collègues (l’équivalent de la pause-café). Ces temps informels sont importants au travail, il faut les retrouver. Sinon la personne va être efficace dans son travail mais quand elle va s’arrêter, elle sera épuisée. Il faut donc conserver ces temps d’apaisement.
• Mettre en place un planning de routine
Le risque est de ne plus rien respecter : passer des heures devant la télévision, manger à n’importe quelle heure... Il faut respecter le rythme sommeil-veille. Il ne faut pas se décaler : on mange toujours à la même heure et de manière équilibrée, on essaie d’avoir une petite activité sportive même chez soi (il y a des applications sur smartphone), on peut prendre du temps pour lire, faire le ménage, etc. Il faut essayer de s’organiser pour prendre soin de soi et ne pas être submergé par toutes ces informations qui viennent de l’extérieur. S’organiser dans la journée pour faire des choses qui nous tiennent à cœur, qui sont valorisantes pour nous (appeler des proches, lire un livre, etc.)
• S’occuper de ses enfants
Quand on a des enfants en bas âge, il est important de :
- garder les habitudes, le rythme de vie pour ne pas déstabiliser l’enfant
- jouer avec lui en essayant aussi de faire des jeux un peu physiques, pour qu’il bouge (gymnastique)
- lors des rares sorties à l’extérieur, il faut privilégier les jeux pour qu’il se défoule un peu (courir, etc.)
- Il faut expliquer ce qu’il se passe à l’enfant : une maladie est dehors, elle n’est pas grave pour lui ou ses parents, mais elle est très contagieuse, donc il y a des règles qui ont été mises en place. On ne pas sortir pour l’instant, mais ça va durer quelques semaines et s’arrêter... Il faut lui expliquer ce qu’il en est, sans dramatiser. En revanche, ce n’est pas la peine qu’il regarde les informations à la télévision car il ne pourra pas le comprendre. Il risque de s’imaginer des choses et de s’inquiéter pour rien.
• Ne pas regarder les informations en boucle
Il faut savoir se couper un peu des informations dans les médias. On reçoit beaucoup d’information sur l’épidémie. Il y a aussi beaucoup de questions qui ne trouvent pas de réponses. Cela suscite du stress, de l’angoisse, de l’impatience. On regarde les informations une fois le matin, une fois le soir, c’est largement suffisant.
• Prendre soin des personnes les plus fragiles
Pour ceux qui ont des problèmes de santé, il est important qu’ils soient entourés (cela peut se faire par téléphone). Une solidarité peut se mettre en place pour aller chercher le traitement de ceux qui sont fragiles.